20h00 ▪
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Nicolas T.
Les États-Unis vont-ils faire défaut sur sa dette ? Plus tôt qu’on ne le croit. Mais vis-à-vis de qui ?…
D’abord le défaut bancaire
Les déposants américains de la Silicon Valley Bank (SVB) ont pu récupérer leur argent, sauf ceux des îles Caïmans…
C’est ce que rapporte le Wall Street Journal dans cet article : The Pain of Silicon Valley Bank’s Collapse Is Being Felt by These Depositors.
Pour rappel, les banques sont tenues de conserver une partie des dépôts en actifs liquides pour répondre aux demandes de retrait au jour le jour. Une banque peut toutefois ne pas avoir suffisamment de liquidités en cas de bank run.
Si la banque ne peut pas lever des fonds, elle doit vendre rapidement ses actifs (généralement des bons du Trésor US) pour obtenir des liquidités.
La faute de SVB est d’avoir préféré la dette de long terme américaine. Leurs taux sont plus juteux, mais elles sont plus sensibles à une hausse des taux. La valeur des dettes de long terme (bons du trésor à 30 ans) chute beaucoup plus lourdement que celles de court terme lorsque les taux remontent.
La Fed doit alors agit comme prêteur en dernier ressort. Il lui faut offrir des liquidités en échange de ces dettes de long terme qui affichent une perte latente substantielle en raison de la hausse des taux.
La Fed à la rescousse
Les déposants américains de la banque californienne ont finalement été protégés par la FDIC (Federal Deposit Insurance Corp). Cette agence gouvernementale a pris les reines depuis le 10 mars en tandem avec la Fed.
Le Bank Term Funding Program (BTFP) de la Fed est un mécanisme de prêt en dernier ressort. Il a été créé pour gérer les faillites de Silicon Valley Bank et de la Signature Bank.
Ce mécanisme permet aux banques d’échanger des bons du Trésor contre des liquidités à leur valeur nominale. C’est-à-dire sans prendre en compte la perte latente. Sans lui, la SVB aurait été obligée de vendre ses bons du Trésor à perte et n’aurait donc pas pu faire face aux retraits de ses clients.
[Soit dit en passant, les prêts d’urgence se font généralement à la « discount window ». Les banques préfèrent ne pas avoir à y recourir pour ne pas attirer l’attention. Et contrairement au BTFP, les bons du Trésor apportés en garantie sont évalués à leur valeur de marché, et non leur valeur nominale.]
Bref, tout cela pour dire que les clients de la succursale de SVB aux îles Caïmans n’ont pas été couverts par la FDIC. Ses déposants, parmi lesquels de nombreuses sociétés d’investissement chinoises, restent dans l’incertitude.
Le message clair de la FDIC est qu’il ne faut pas garder votre argent dans une banque américaine si vous êtes étranger. Si vous le faites, préférez une banque « too big to fail ».
Une telle politique pousse à la consolidation du secteur bancaire, condition préalable à la métamorphose de l’argent en CBDC. Mais c’est un autre sujet.
Le défaut approche
Ces milliards non remboursés par la FDIC sont en définitive des réserves en dollars appartenant à la banque centrale chinoise.
Ainsi, après avoir volé autour de 150 milliards de dollars à la Russie, la Chine ferait bien de se méfier, elle qui possède 860 milliards de dollars sous forme de bons du Trésor US.
Citant un grand fonds américain, cet article du kikkei souligne que les sanctions américaines contre la Russie sont l’un des principaux facteurs ayant décidé la Chine à réduire ses avoirs en bons du Trésor.
La Chine se prépare à ce que « des mesures similaires soient prises lorsque sa confrontation avec les États-Unis s’aggravera », peut-on lire.
En dix ans, la Chine s’est déjà séparée d’un tiers de son stock de dette US. Le dollar représente désormais moins de 28 % de ses réserves :
Cela suscite des inquiétudes à Washington où l’on redoute que les avoirs de la Chine chutent à quelque chose comme 100 milliards de dollars.
Empêcher ce scénario était la principale mission de la secrétaire au Trésor Janet Yellen lorsqu’elle s’est rendue à Pékin début février. L’ex-présidente de la Fed a même suggéré dans la presse que les États-Unis pourraient faire défaut si cela continuait.
Le sénateur Lindsey Graham avait déjà déclaré sur Fox News en 2020 : « c’est à eux de nous payer, et non à nous de payer la Chine », exprimant son soutien au sénateur Marsha Blackburn qui suggérait de ne pas rembourser la Chine.
De telles menaces ont également été faites par le passé à l’encontre de l’Arabie Saoudite. Il n’est donc pas surprenant que le royaume ait récemment décidé d’accepter le yuan en paiement pour son pétrole.
Nouvel ordre mondial
D’après les déclarations de l’OTAN, l’objectif reste une victoire complète de l’Ukraine. Voire un retour de la Crimée dans le giron de Kiev. Autant dire que la guerre pourrait encore durer.
Un diplomate chinois se rendra en Ukraine, en Pologne, en France, en Allemagne et en Russie cette semaine, mais il y a peu de chances que cette médiation porte ses fruits.
La Chine a d’ailleurs peut-être intérêt à ce que la guerre se prolonge. Plus les États-Unis videront leurs stocks de munitions et leurs réserves stratégiques de pétrole, et moins il est probable qu’une guerre éclate dans le détroit de Taïwan.
Pour les États-Unis, l’objectif initial était de perturber l’Eurasie et de procéder à un changement de régime en Russie. De ce point de vue, et même si les choses ne se passent pas comme prévu, la stratégie n’a pas changé. Il faut se battre jusqu’au dernier ukrainien pour essayer de renverser V. Poutine.
Pour sa part, Vladimir Poutine s’accommode de mener la fronde globale contre l’Empire. La Chine et de son côté, de même que l’Inde qui est devenue son principal importateur de pétrole. Ce qui pose d’ailleurs problème, nous en parlions dans le Bitcoin & Géopolitique – Semaine 19.
🇷🇺Russia’s oil exports are rising again, despite the production cuts. Flows are up by 10% since the first week of April and hit a new high for the period since the beginning of 2022.
Almost all Russia’s crude going to🇨🇳China and🇮🇳India, volumes to Asia also reached a new peak. pic.twitter.com/TdTLKAP7LU
— Francesco Sassi (@Frank_Stones) May 16, 2023
La plupart des pays émergents refusent de choisir un camp. Cela dit, certains, et non des moindres, cherchent à rejoindre les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai, ce qui revient de facto à plaider pour un nouvel ordre mondial.
In fine, ce nouvel ordre mondial se soldera par le défaut des États-Unis sur les quelque 7 000 milliards de réserves en dollar détenues par le reste du monde. Se posera alors la question de la prochaine monnaie de réserve internationale. Le bitcoin ronge son frein.
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Nicolas T.
Journaliste rapportant sur la révolution Bitcoin. Mes papiers traitent du bitcoin à travers les prismes géopolitiques, économiques et libertaires.
DISCLAIMER
Les propos et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d’investissement.
Auteur : Nicolas T.
Source : www.cointribune.com