La Journée internationale des droits des femmes, célébrée le 8 mars, est l’occasion de rendre hommage aux réalisations sociales, économiques, culturelles et politiques des femmes du monde entier.
Témoin de destins impressionnants au gré de mes aventures dans le Rabbit Hole du Web 3.0, je souhaitai vous partager le récit de deux femmes puissantes qui contribuent, à leur mesure, à notre Pays des Merveilles.
Chacune habitée par une mission, elles portent les valeurs promues par cet écosystème que nous aimons tant au travers de leur engagement quotidien.
L’une croisée à Las Vegas, lors du Consumer Electronics Show, l’autre découverte à Davos, lors du World Economic Forum, elles ont accepté partager des morceaux de vies entrepreneuriales à la passion intacte.
Des bunkers de Kiev à la supply chain d’Haïti, leurs deux histoires sont profondément mues par un besoin de faire bouger les lignes à travers le pouvoir de l’innovation.
J’espère que leurs actes inspireront votre vision autant qu’ils ont inspiré la nôtre.
Dans ce premier épisode, je vous propose de revenir sur le parcours et le travail de Valéria Loshmanova.
Valeria – Nobéliser l’Ukraine : l’initiative Nobilitet
Peux-tu nous en dire plus sur toi et ton parcours, Valéria ?
Je suis entrepreneur dans le secteur de la communication d’entreprise, basé à Kiev, même si j’ai dû récemment déménager à Amsterdam.
Toute l’équipe de my Yellow Clutch Advertising (yclutch.com) est toujours en Ukraine, travaillant en étroite collaboration sur des projets pour la Commission européenne, des ONG et des fondations caritatives. Notre objectif principal : communiquer les valeurs libérales et favoriser l’innovation scientifique en Ukraine grâce à la diplomatie numérique.
Comment parviens-tu à maintenir les communications avec ton équipe en direct ?
Via les réunions Zoom, nous parvenons à travailler à distance. Plusieurs fois, nous avons eu des alertes de raid aérien et les sons d’attaque de missile juste pendant nos appels en ligne. Comme nous travaillons beaucoup avec des projets européens et américains, nous souhaitons montrer au monde entier comment les choses fonctionnent vraiment en Ukraine.
Sur quels projets travailles-tu actuellement ?
Je me définis en tant que “Social Evangelist”, via l’Initiative Nobilitet ainsi que le Web>3 European Summit. Je nourris un intérêt profond pour la vulgarisation scientifique.
D’où t’es venue cette vocation ?
Il y a six ans, j’ai été frappé par une réalisation: beaucoup d’adultes ne grandissent que verticalement. Mais pour véritablement grandir, nous devons savoir être transverses et apprendre de différents domaines, horizontalement. De là est née l’Initiative Nobilitet.
Nobilitet : Qu’est-ce que cela signifie pour toi ?
Il vient d’un mot grec «noblesse», qui à l’époque définissait tout groupe de personnes se réunissant afin d’influencer la société, développer leur éducation quotidiennement, et faire avancer les lignes.
Les fondatrices de l’événement : Valeria Loshmanova et Olga Maslova
Quel est l’objectif que tu souhaites atteindre à travers l’Initiative ?
Rendre la science “sexy” de nouveau ! *rires*
Je voulais créer un événement networking de haut niveau pour les scientifiques, les militants des droits de l’homme, les éducateurs et les libres penseurs, afin qu’ils puissent se croiser et partager des idées de façon interdisciplinaires.
Comment s’appelle son événement-phare ?
L’événement principal de l’Initiative a été nommé “Pre-Party to Nobel Prize”. Il a lieu les premiers samedis de décembre, avant le véritable dîner du Prix Nobel à Stockholm et à Oslo.
Tous nos conférenciers et participants attendent l’événement afin de porter de se mettre sur leur trente-et-un… de robe et d’esprit !
D’où t’es venue l’idée initiale ?
Dans un café avec un ami, comme toutes les bonnes idées !
En 2017, on s’est rendu compte que le prix Nobel, dans son essence, était en fait un rapport scientifique sur les tendances mondiales. Cela nous a donné une idée : rassembler des esprits brillants et des chercheurs ukrainiens pour parler des implications des prix, à quel niveau se situent les domaines qu’ils abordent en Ukraine, et donner un accent local sur les choses mondiales.
Ce n’est pas un fait très connu, mais l’Ukraine est en fait un foyer pour la science et la recherche. Lorsque mon amie Olga Maslova et future co-fondatrice de Nobilitet, également scientifique, a convenu qu’aucun événement de ce genre n’avait eu lieu, l’idée folle fut lancée, et la décision fut prise en octobre de tenir l’événement en Décembre.
Quels furent les premiers défis auxquels toi et ton équipe avez fait face ?
En premier lieu : persuader le public qu’il serait amusant de réunir des personnes aussi différentes en un seul endroit – de la science, de l’économie, de l’activisme des droits de l’homme et des libres penseurs.
La seconde, engager les meilleurs orateurs, et leur démontrer qu’il s’agissait d’un événement à but non lucratif, sans sponsor ni visée politique.
Quelle traction avez-vous eu lors de votre premier événement ?
Nous avons réussi à vendre 50 billets pour notre première édition, un nombre dont nous sommes très fiers.
Lauréate du Prix Nobel 2022, Oleksandra Matviichuk, durant l’événement dédié aux cent ans d’Andriy Sakharov en 2021
Quel fut votre plus grand succès avec cet événement ?
En 2019 – 250 personnes ! – grâce au soutien de PJSC Carlsberg Ukraine, qui promeut la culture et la science partout dans le monde.
Comment avez-vous traversé la crise du Covid ?
Au tournant de 2020, nous sommes parvenus à organiser un événement en physique – 50 personnes – soigné afin de maintenir la qualité du contenu, mais aussi de respecter les mesures sanitaires.
En 2021, toujours à l’heure du COVID, les choses étaient un peu plus revenues à la normale. Mais le 24 février, la guerre éclate.
Comment avez-vous fait face ?
Avec détermination, et grâce à notre communauté. Le plus inattendu des cadeaux fut de recevoir des questions de nos invités des années précédentes – après six mois de guerre – demandant si l’événement allait toujours avoir lieu.
Et vous avez choisi de maintenir l’Initiative. Était-ce une décision facile à prendre ?
Je voulais que ce soit une décision d’équipe – moi, Olga Maslova, co-fondatrice et présidente des partenariats scientifiques et Kyrylo Chystyakov, conservateur créatif de l’Initiative, et cela a été unanime.
Nous devions montrer notre présence en ces temps terrifiants. Même si nous n’avions pas assez de ressources, nous avons décidé d’investir dans l’événement sur fonds propres – et je tiens à remercier nos sponsors PJSC Carlsberg Ukraine et Finlandia pour leur soutien pour la troisième année consécutive.
L’événement s’est-il déroulé physiquement ou en ligne ?
Les deux. Nous avons tenu Nobilitet 2022 comme d’habitude – un samedi, début décembre.
Ce qui était différent : le lieu. Nous avons dû organiser l’événement dans un bunker.
Deux alertes de raid aérien et quelques pannes d’électricité se sont produits pendant l’événement. Mais nous étions préparés à cela – car “cela” est la réalité du quotidien à Kiev.
Nous avons réuni plus de 100 personnes dans le centre-ville de Kiev. 100 personnes venus écouter des conférences scientifiques pendant la guerre.
Ce fut l’un des événements les plus émouvants auxquels j’ai jamais assisté : nous avons vu à quel point les gens sont dévoués à l’avancée scientifique. Partager nos connaissances, recréer des réseaux, tisser de nouveau une relation communautaire.
Nous nous élevions de survivants à visionnaires. Nous n’étions plus sous les bombes, en guerre. Nous étions riches de connexion, de développement personnel, de visions du futur.
La “Nobel Prize Pre-Party”, événement phare de l’Initiative Nobilitet.
Peux-tu partager avec nous ton souvenir le plus marquant ?
Comme l’événement était sous forme hybride, nous avons décidé de fournir une participation en ligne gratuite à tous les représentants des forces militaires ukrainiennes sur le front.
Je me souviens poster le message sur Facebook – en Ukraine, Facebook est le principal réseau social pour le travail – et j’ai reçu presque instantanément un message d’un militaire en première ligne.
Son message, de mes souvenirs : « Salut, je suis des Forces militaires ukrainiennes, et je suis en première ligne. J’ai une tasse de thé à la main et mon arme surchauffe donc je la laisse se reposer un peu. S’il vous plaît, donnez-moi un lien en ligne gratuit vers les conférences Nobilitet.”
C’est à ce moment-là que j’ai compris que les meilleurs esprits de notre nation se trouvaient en première ligne : les scientifiques, les économistes, les écrivains et les innovateurs. Et que même sur le champ de bataille, ils pensaient toujours à enrichir leur savoir-faire et leur savoir-être.
Qu’est-ce que cela serait selon vos propres mots ?
Qu’ils n’ont pas peur. Qu’ils veulent vivre, se développer, apprendre de nouvelles choses, et c’était encore une autre preuve que nous avons fait le bon choix. Même si nous avons besoin de soutien et de financement, cela nous permet d’accompagner le changement même dans les moments les plus éprouvants.
Nous avons prouvé que même durant la pandémie, même en temps de guerre, il y a une place pour le développement intellectuel et l’apprentissage tout au long de sa vie.
Si on m’avait dit en 2017 qu’on pouvait faire un événement dans un bunker, je ne l’aurais pas cru.
Quelle est la chose la plus importante à protéger avec l’Initiative ?
Nos valeurs. Tout part de nos valeurs personnelles, et c’est à partir de celles-ci que nous développons nos activités, nos projets, nos entreprises et nos vies.
L’ami canin d’un des invités de l’événement 2022, tenu dans un bunker.
Quel impact l’événement a-t-il eu sur le paysage national scientifique ?
Ce n’est pas un changement qui peut être mesuré, mais le paradigme sociétal a changé.
Des jeunes de 20 ans ont participé à un rassemblement scientifique, à la fois en ligne et hors ligne. Des parents nous demandent quelles conférences vont être données.
La nouvelle génération a compris que la science était sexy, audacieuse, courageuse.
Auparavant, l’image en Ukraine demeurait sur une impossibilité d’accomplir de changement scientifique majeur et d’être reconnu pour son travail. Via l’événement, nous invitons la nouvelle génération à comprendre que la science est fondamentale et ouvre la voie à l’innovation.
Quel impact l’événement a-t-il eu sur ses conférenciers et ses participants ?
En 2017, pour égaler le prix Nobel de la paix, nous avons invité un représentant du Centre des libertés civiles en 2017, l’un de nos conférenciers – Oleksandra Romantsova. Elle a consacré la conférence à l’utilisation de la violence sexuelle comme arme dans les conflits de guerre, omniprésente depuis 2014 dans la région ukrainienne du Donbass. C’est une grande spécialiste qui a travaillé parmi les premières avec des personnes victimes de violences sexuelles dans la région du Donbass.
Et cette année, le prix Nobel de la paix a été décerné au Centre ukrainien pour les libertés civiles – dont Olexandra Romatsova fait partie, en tant que directrice adjointe !
Quand nous avons commencé, personne d’Ukraine n’avait de prix Nobel, et maintenant l’un de nos conférenciers représente une entité qui a été récompensée. Nous sommes fiers d’avoir des lauréats du prix Nobel dans nos activités avant même qu’ils ne soient amorcés et que le directeur adjoint du Centre pour les libertés civiles.
De quels autres grands moments avez-vous été témoin à travers l’Initiative ?
En 2021, nous avons organisé un événement dédié à Andrey Sakharov, dissident, physicien nucléaire, militant des droits de l’homme et lauréat du prix Nobel de la paix de l’URSS, également avec le Center for Civil Liberties. Cette exposition, qui était dédiée à son 100ème anniversaire, a été interdite à Moscou, mais je suis fière que nous ayons pu le faire à Kiev pour célébrer cette reconnaissance.
Merci encore d’avoir partagé ton histoire avec moi, Valéria. Le mot de la fin ?
Nous voulons faire passer le mot – justement – et franchiser l’Initiative mondialement.
Ma passion est de relier les points, de combler le fossé entre les différents domaines, de fournir un espace pour des dialogues ouverts entre divers groupes de parties prenantes.
Ma prochaine étape est le sommet européen du Web3 en mai, qui réunira véritablement les décideurs politiques de l’UE, les leaders de l’industrie du Web3 et les entreprises du Web2 qui cherchent à conduire une transformation significative vers le Web3, ainsi que la société civile et les médias.
Organisé par l’Institute for Global Transformation, Bruxelles, et l’Institute of Cognitive Modeling, Bruxelles, en coopération avec la German Marshall Foundation, USA., j’ai hâte de voir ce que la communauté va faire naître de riche pour l’écosystème de demain.
L’Initiative Nobilitet a réuni :
les premiers lauréats ukrainiens du prix Nobel – Olexandra Romatsova et Olexandra Marviychuk du Centre pour les libertés civiles ;
Oleg Sentsov, réalisateur ukrainien qui a été illégalement condamné par la Russie sous de fausses accusations ;
Mustafa Jamielev, commissaire du président de l’Ukraine pour les affaires du peuple tatar de Crimée ;
Olga Trofimtseva, ex-ministre de la politique agraire et de l’alimentation de l’Ukraine ;
Olexiy Sobolev, président de la CFA Society en Ukraine et vice-ministre de l’Économie de l’Ukraine ;
Igor Komarov directeur de l’Institut des hautes technologies de l’Université nationale Taras Shevchenko de Kiev et co-auteur du prix Nobel de chimie 2020 ;
Yulia Bezvershenko, scientifique dans le domaine de la physique théorique et directrice générale de la direction de la science et de l’innovation au ministère de l’éducation et des sciences, chercheur principal de l’Institut de biologie moléculaire et de génétique ;
Bogdana Romatsova, docteur en littérature, critique littéraire, éditrice et bien d’autres.
À propos de l’auteur
Isaure Courcenet est connue dans le milieu pour avoir été en charge des partenariats pour Paris Blockchain Week, mais aussi contributrice pour d’autres évènements tels que le Metaverse Summit, le Salon de la Blockchain du Ministère de l’Intérieur et la Salon de l’Intelligence Artificielle du Ministère de l’Intérieur. De même, lors du Forum Economique Mondial 2023 à Davos, elle a représenté BeInCrypto en tant qu’ambassadrice de notre média.
Dans le second épisode de cette mini-série, nous nous concentrerons sur le travail de Geneviève, fondatrice d’Agriledger.
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Auteur : Auteur Invité
Source : fr.beincrypto.com