La montée en puissance de ChatGPT a été tout simplement spectaculaire. Deux mois après son lancement, l’application basée sur l’intelligence artificielle (IA) a atteint 100 millions d’utilisateurs uniques. Rien qu’en janvier 2023, ChatGPT a enregistré environ 590 millions de visites.
Outre l’IA, la blockchain est une autre technologie perturbatrice de plus en plus adoptée. Les protocoles décentralisés, les applications et les modèles commerciaux ont mûri et gagné en traction sur le marché depuis la publication du livre blanc du bitcoin (BTC) en 2008. Il reste encore beaucoup à faire pour permettre à ces deux technologies de progresser, mais les zones de convergence entre les deux seront passionnantes à observer.
Si l’IA fait l’objet d’un battage médiatique, il se passe beaucoup de choses en coulisses pour créer une infrastructure de données robuste qui permette une IA efficace. Des données de mauvaise qualité stockées et partagées de manière inefficace conduiraient à une mauvaise compréhension de la couche d’intelligence. Par conséquent, il est essentiel d’examiner la chaîne de valeur des données de manière holistique afin de déterminer ce qui doit être fait pour obtenir des données de haute qualité et des applications d’IA à l’aide de la blockchain.
La question clé est de savoir comment les technologies Web3 peuvent exploiter l’intelligence artificielle dans des domaines tels que le stockage des données, les transferts de données et l’intelligence des données. Chacune de ces capacités de données peut bénéficier des technologies décentralisées, et les entreprises se concentrent sur leur mise en œuvre.
Le stockage des données
Il est utile de comprendre pourquoi le stockage décentralisé des données est un élément essentiel pour l’avenir de l’IA décentralisée. À mesure que les projets blockchain prennent de l’ampleur, chaque vecteur de centralisation pourrait venir les hanter. Un projet centralisé basé sur la technologie blockchain pourrait souffrir d’une défaillance de gouvernance, d’une répression réglementaire ou de problèmes d’infrastructure.
Par exemple, le réseau Ethereum après le Merge, qui a fait passer la blockchain du consensus Proof-of-Work au consensus Proof-of-Stake en septembre 2022, aurait pu ajouter un vecteur de centralisation au réseau. Certains ont fait valoir que les grandes plateformes et les exchanges comme Lido et Coinbase, qui détiennent une part importante du marché de la mise en jeu d’Ethereum, ont rendu le réseau plus centralisé.
Un autre vecteur de centralisation pour Ethereum est sa dépendance au stockage dans le cloud d’Amazon Web Services (AWS). Par conséquent, le stockage et la puissance de traitement des projets basés sur la technologie blockchain doivent être décentralisés au fil du temps afin d’atténuer les risques d’un seul point de défaillance centralisé. Cela représente une opportunité pour les solutions de stockage décentralisées de contribuer à l’écosystème, en apportant évolutivité et stabilité.
Mais comment fonctionne le stockage décentralisé ?
Le principe consiste à utiliser plusieurs serveurs et ordinateurs dans le monde entier pour stocker un document. Simplement, un document peut être divisé, crypté et stocké sur différents serveurs. Seul le propriétaire du document possède la clé privée lui permettant de récupérer les données. Lors de la récupération, l’algorithme extrait ces différentes parties pour présenter le document à l’utilisateur.
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Du point de vue de la sécurité, la clé privée constitue la première couche de protection, et le stockage distribué la seconde. Si un nœud ou un serveur du réseau est piraté, il ne peut accéder qu’à une partie du fichier de données cryptées.
Les principaux projets dans le domaine du stockage décentralisé sont Filecoin, Arweave, Crust, Sia et StorJ.
Le stockage décentralisé n’en est toutefois qu’à ses débuts. Facebook génère 4 pétaoctets (4 096 téraoctets) de données par jour, mais Arweave n’a traité qu’environ 122 téraoctets de données au total. Il en coûte environ 10 dollars pour stocker 1 To de données sur AWS, alors que sur Arweave, le coût est d’environ 1 350 dollars au moment de la publication.
Il ne fait aucun doute que le stockage décentralisé a encore un long chemin à parcourir, mais un stockage de données de haute qualité peut stimuler l’IA dans des cas d’utilisation réels.
Le transfert de données
Le transfert de données est le prochain cas d’utilisation clé de la pile de données qui peut bénéficier de la décentralisation. Les transferts de données utilisant des interfaces de programmation d’applications (API) centralisées peuvent encore permettre des applications d’IA. Cependant, l’ajout d’un vecteur de centralisation à n’importe quel point de la pile de données la rendrait moins efficace.
Une fois les données décentralisées, l’élément suivant de la chaîne de valeur des données est le transfert et le partage des données, principalement par l’intermédiaire d’oracles.
Les oracles sont des entités qui connectent les blockchains à des sources de données externes afin que les smart contracts puissent se brancher sur des données du monde réel et prendre des décisions de transaction.
Cependant, les oracles sont l’une des parties les plus vulnérables de l’architecture des données, les pirates les ciblant largement et avec succès au fil des ans. Dans un exemple récent, le protocole Bonq a subi une perte de 120 millions de dollars en raison du piratage d’un oracle.
Outre les smart contracts et les hacks de ponts cross-chain, les vulnérabilités d’oracle ont été des fruits à portée de main pour les cybercriminels. Cela est principalement dû à un manque d’infrastructure et de protocoles de transfert de données décentralisés.
Les réseaux oracle décentralisés (DON) sont une solution potentielle pour un transfert de données sécurisé. Les DON comportent plusieurs nœuds qui fournissent des données de haute qualité et établissent une décentralisation de bout en bout.
Les oracles ont été largement utilisés dans l’industrie de la blockchain, avec différents types d’oracles contribuant au mécanisme de transfert de données.
Il existe des oracles d’entrée, de sortie, inter-chaînes et activés par calcul. Chacun d’entre eux a une fonction dans le paysage des données.
Les oracles d’entrée transportent et valident des données provenant de sources de données off-chain vers une blockchain pour être utilisées par un smart contract. Les oracles de sortie permettent aux smart contracts de transporter des données hors activité de chaîne et de déclencher certaines actions. Les oracles cross-chain transportent des données entre deux blockchains, ce qui pourrait être fondamental à mesure que l’interopérabilité des blockchains s’améliore, tandis que les oracles compute-enabled utilisent le calcul off-chain pour offrir des services décentralisés.
Si Chainlink a été un pionnier dans le développement de technologies d’oracle pour le transfert de données entre blockchains, des protocoles tels que Nest et Band fournissent également des oracles décentralisés. Outre les protocoles purement basés sur la blockchain, des plateformes telles que Chain API et CryptoAPI fournissent des API permettant aux DON de consommer des données off-chain en toute sécurité.
L’intelligence des données
La couche d’intelligence des données est l’endroit où tous les efforts d’infrastructure de stockage, de partage et de traitement des données portent leurs fruits. Une application basée sur la blockchain qui utilise l’IA peut toujours obtenir des données à partir d’API traditionnelles. Cependant, cela ajouterait un degré de centralisation et pourrait affecter la robustesse de la solution finale.
Cependant, plusieurs applications exploitent l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle dans la crypto et la blockchain.
Le trading et les investissements
Depuis plusieurs années, l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle sont utilisés au sein de la fintech pour fournir des fonctionnalités de robo-advisory aux investisseurs. Le Web3 s’est inspiré de ces applications de l’IA. Les plateformes fournissent des données sur les prix du marché, des données macroéconomiques et d’autres données telles que les médias sociaux, générant ainsi des informations spécifiques à l’utilisateur.
L’utilisateur définit généralement ses attentes en matière de risque et de rendement, les recommandations de la plateforme d’IA s’inscrivant dans ces paramètres. Les données nécessaires pour fournir ces informations sont obtenues par la plateforme d’IA à l’aide d’oracles.
Bitcoin Loophole et Numerai sont des exemples de ce cas d’utilisation de l’IA. Bitcoin Loophole est une application de trading qui utilise l’intelligence artificielle pour fournir des signaux de trading aux utilisateurs de la plateforme. Il affirme avoir un taux de réussite de plus de 85 %.
Numerai affirme avoir pour mission de construire « le dernier fonds spéculatif du monde » en utilisant la blockchain et l’IA. Elle utilise l’IA pour collecter des données provenant de différentes sources afin de gérer un portefeuille d’investissements comme le ferait un fonds spéculatif.
Le marché de l’IA
Une place de marché d’IA décentralisée prospère grâce à l’effet de réseau entre, d’une part, les développeurs qui conçoivent des solutions d’IA et, d’autre part, les utilisateurs et les organisations qui emploient ces solutions. En raison de la nature décentralisée de l’application, la plupart des relations commerciales et des transactions entre ces parties prenantes sont automatisées à l’aide de smart contracts.
Les développeurs peuvent configurer la stratégie de tarification par le biais d’entrées dans les smart contracts. Le paiement pour l’utilisation de leur solution peut se faire par transaction de données, par connaissance des données ou simplement sous la forme d’une redevance forfaitaire pour la période d’utilisation. Il pourrait également y avoir des approches hybrides du plan tarifaire, avec un suivi de l’utilisation sur le réseau au fur et à mesure de l’utilisation de la solution d’IA. Les activités on-chain déclencheraient des paiements basés sur des smart contracts pour l’utilisation de la solution.
SingularityNET et Fetch.ai sont deux exemples de ces applications. SingularityNET est une marketplace décentralisée pour les outils d’IA. Les développeurs créent et publient des solutions que les organisations et les autres participants à la plateforme peuvent utiliser par le biais d’API.
Fetch.ai, de la même manière, offre des solutions d’apprentissage automatique décentralisées pour construire des solutions modulaires et réutilisables. Les agents construisent des solutions peer-to-peer sur cette infrastructure. La couche économique sur l’ensemble de la plateforme de données est sur une blockchain, permettant le suivi de l’utilisation et la gestion des transactions par smart contract.
Les NFT et l’intelligence metaverse
Un autre cas d’utilisation prometteur se situe autour des tokens non fongibles (NFT) et des metaverses. Depuis 2021, les NFT sont considérés comme des identités sociales par de nombreux utilisateurs du Web3 qui utilisent leur NFT comme photo de profil sur Twitter. Des organisations comme Yuga Labs sont allées plus loin en permettant aux utilisateurs de se connecter à une expérience metaverse en utilisant leurs avatars NFT du Bored Ape Yacht Club.
L’utilisation des NFT en tant qu’avatars numériques va s’intensifier au fur et à mesure que le récit du metaverse prendra de l’ampleur. Cependant, les avatars numériques présents sur les metaverses aujourd’hui ne sont pas intelligents et ne ressemblent en rien à la personnalité attendue par l’utilisateur. C’est là que l’IA peut apporter une valeur ajoutée. Des NFT intelligents sont en cours de développement pour permettre aux avatars des NFT d’apprendre de leurs utilisateurs.
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Matrix AI et Althea AI sont deux entreprises qui développent des outils d’IA pour apporter de l’intelligence aux avatars du metaverse. Matrix AI vise à créer une « intelligence de l’avatar », ou AvI. Sa technologie permet aux utilisateurs de créer des avatars du metaverse aussi proches d’eux-mêmes que possible.
Althea AI élabore un protocole décentralisé pour créer des NFT intelligents (iNFT). Ces NFT peuvent apprendre à répondre à des signaux simples de l’utilisateur grâce à l’apprentissage automatique. Les iNFT deviendraient des avatars dans son metaverse appelé “Noah’s Ark”. Les développeurs peuvent utiliser le protocole iNFT pour créer, former et gagner de l’argent avec leurs iNFT.
Plusieurs de ces projets d’IA ont vu le prix de leurs tokens augmenter parallèlement à la montée en puissance de ChatGPT. Cependant, l’adoption par les utilisateurs est le véritable test décisif, et ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons être sûrs que ces plateformes résolvent un véritable problème pour l’utilisateur. Les projets d’IA et de données décentralisées n’en sont qu’à leurs débuts, mais les premières initiatives ont vu le jour et semblent prometteuses.
Auteur : Cointelegraph Par Arunkumar Krishnakumar
Source : fr.cointelegraph.com